National | Par Didier Bouville

Patrick Bénézit (FNSEA) : «utiliser les outils de la loi EGAlim» [point de vue]

Les dispositions de la loi EGAlim (contractualisation, le seuil de revente à perte ou encore l’encadrement des promotions) doivent absolument produire leurs effets sur tous les volumes et dans toutes les productions pour faire remonter la valeur aux agriculteurs dans le cadre des négociations commerciales actuelles avec la grande distribution. Le point de vue de Patrick Bénézit, secrétaire général-adjoint de la FNSEA (crédit photo FNSEA).

– Le comité de suivi des relations commerciales s’est réuni en janvier. Quel bilan en tirez-vous ?

Patrick Bénézit : « Après la publication des dernières ordonnances, tous les outils sont désormais disponibles pour que les dispositions de la loi Egalim s’appliquent dans leur intégralité. Ce sont les premières négociations commerciales avec la grande distribution qui vont se dérouler dans ce nouveau cadre. Il s’agit d’un enjeu important. La plupart des filières ont mis en place des indicateurs de coûts de production. Le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions ont d’ores et déjà permis de stopper la guerre des prix et la déflation destructrice de valeur. Selon IRi-Information Ressources, ces prix ont même légèrement augmenté en 2019 de 0,9 % au détail. Ce n’est pas excessif pour le consommateur et loin des prédictions apocalyptiques de Michel Edouard Leclerc qui annonçait une inflation de 10 % sur les produits alimentaires. Mais en termes de valeur, il s’agit de montants non négligeables. Cela représente, en effet, une valeur de 700 millions à un milliard d’euros qui ont été ainsi encaissés par la grande distribution et qui devraient revenir aux agriculteurs. Nous devons faire en sorte qu’il en soit ainsi.

– Pourquoi les progrès du secteur laitier ne font-ils pas tâche d’huile dans les autres filières ?

PB : Je n’observe que quelques frémissements dans la filière laitière dans les négociations en cours. Attendons la fin des négociations commerciales pour porter un jugement plus exhaustif. On parle beaucoup de ces résultats. Il ne faudrait pas que ce soit l’arbre qui cache la forêt et un coup de publicité de la grande distribution. Les engagements doivent être pris sur tous les volumes et sur toutes les productions. Ce qui est loin d’être le cas à ce stade. Ce n’est que de cette manière que les agriculteurs verront dans les Etats généraux de l’alimentation une avancée pour leurs revenus.

Certaines grandes surfaces contournent la loi

– Est-ce que les distributeurs jouent le jeu des nouvelles dispositions législatives ?

PB : Certains se livrent à des publicités mensongères, en affirmant «bien rémunérer» les agriculteurs sans pour autant utiliser les indicateurs validés dans les interprofessions : ils ne respectent ni les textes, ni l’esprit de la loi en la contournant. Ils ont du mal à respecter l’encadrement des promotions de 25 % en volume et de 34 % en valeur tel qu’il avait été prévu par nos parlementaires dans la loi EGAlim, certains continuent à offrir un produit pour un autre produit acheté. Je déplore aussi le développement du cagnottage qui consiste à accorder des euros de réduction sur l’achat d’un produit et qui sont ensuite affectés à l’achat d’autres produits… Bref, nous avons demandé à la DGCCRF de revoir ses lignes directrices et d’être très attentive à toutes ces opérations promotionnelles qui dénaturent la loi. Elle vient de nous répondre : la pratique « un produit acheté, un produit de la même catégorie offert » est désormais interdite ! C’est le fruit de nos dénonciations, nous allons continuer à demander l’application à la lettre de l’esprit de la Loi EGA.

– Êtes-vous favorable à la correction de certaines dispositions de la loi, comme le demande le Sénat ?

PB : Le Sénat a adopté une proposition de loi visant notamment à assouplir l’encadrement des promotions. Nous y sommes absolument hostiles. Appliquons les textes tels qu’ils ont été votés avant de détricoter la loi. J’observe d’ailleurs que lors de la réunion du comité de suivi des relations commerciales, aucune famille professionnelle n’a demandé à revenir sur telle ou telle disposition législative, y compris la grande distribution. Pour ce qui nous concerne à la FNSEA, nous resterons vigilants et nous maintiendrons la pression jusqu’à la fin des négociations commerciales. Nous aurons gagné la partie, si chaque agriculteur constate un retour de valeur significatif dans sa ferme. Rendez-vous donc après le 1er mars ».

Actuagri

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